"Nous nous sommes tues trop longtemps" : les joueuses d'échecs dénoncent les comportements sexistes
Avertissement : Cet article mentionne des cas d'abus sexuels qui peuvent être traumatisants pour les jeunes lectrices et lecteurs.
Un groupe de joueuses d'échecs a décidé de prendre la parole pour dénoncer avec force les comportements sexistes et les violences sexuelles qui parasitent depuis trop longtemps le monde des échecs.
"Nous sommes convaincues que ce harcèlement et ces agressions sont encore aujourd'hui l'une des principales raisons de l'arrêt du jeu d'échecs par des femmes et jeunes filles, notamment à l'adolescence.", commence la lettre ouverte intitulée "Nous, joueuses d'échecs".
Ce cri du cœur, d'abord signé par 14 joueuses françaises sur Twitter/X ce mercredi, a déjà dépassé les 350 000 vues. La lettre compte désormais plus de 80 signatures de femmes de la communauté échiquéenne du monde entier. Vous pouvez les rejoindre en envoyant un message à Nous, joueuses d'échecs ou en faisant la demande directement sur le document.
Avec des mots très forts, les signataires entendent libérer la parole pour mettre fin au "sexisme banalisé" et ne plus laisser passer les violences et harcèlements subis : "Face à ces violences, nous nous sommes tues trop longtemps. Or se taire revient à porter seule le poids de la honte. Trouver les mots et le courage de les prononcer peut demander du temps mais nous croyons que c'est nécessaire et salvateur".
Elles encouragent toutes les joueuses à "dénoncer les violences subies" et font acte d'une grande solidarité.
À toute personne ayant subi des violences sexistes ou sexuelles, nous voulons dire : Tu n'es pas seule. On te croit. Nous serons là pour toi.
La Fédération Française des Échecs a apporté son "soutien total" à ces femmes et s'est déclarée "aux côtés des victimes et des témoins de violences sexistes et sexuelles".
La MFf Mathilde Choisy, co-autrice de la lettre, a déclaré à Chess.com que l'objectif était de sensibiliser les gens au problème du harcèlement et des comportements sexistes à l'égard des femmes.
"Nous avons l'habitude d'entendre et de faire avec les histoires racontées par des filles ou des femmes, qu'il s'agisse du sexisme de base, de harcèlement, de messages, d'abus ou de viols, et nous en avons assez", dit-elle. "Nous voulons simplement faire savoir que trop c'est trop".
Elle n'a malheureusement pas échappé aux mauvaises expériences en tant que joueuse d'échecs :
"De tout, avec les commentaires stupides sur le fait que les femmes sont mauvaises aux échecs, allant aux remarques sur mes vêtements alors que je jouais en direct devant des caméras".
La lettre a suscité une attention considérable en France, comme en témoignent un article dans le journal Le Monde et les multiples interventions à la télévision et à la radio.
"Je ne sais pas si cela changera quoi que ce soit, mais les choses ne sont pas mieux si elles sont tues. Au moins, maintenant, les gens savent", a conclu Mathilde.
La MF Yosha Iglesias, également co-autrice de la lettre, a décrit dans un post sur Twitter/X plusieurs cas de harcèlement sexuel qu'elle a subis.
Aux échecs, un adjoint au maire m'a attrapé les fesses en public lors de la photo officielle de la cérémonie de remise des prix d'un tournoi que j'avais remporté. En octobre dernier, lors d'un open, un joueur d'échecs anonyme m'a demandé quel était mon tarif pour coucher. J'ai reçu des milliers de messages sexistes et transphobes.
Parmi les joueuses qui ont signé la lettre figurent la MI Jovanka Houska, neuf fois championne britannique et commentatrice pour Chess.com, et la double championne des États-Unis la GMf Jennifer Shahade qui a ébranlé le monde des échecs au début de l'année en affirmant que le GM Alejandro Ramirez l'avait agressée à deux reprises.
So powerful to see so many top women chess players in France speak up loud and clear against misogyny and violence in our beloved game/culture.
— Jennifer Shahade (@JenShahade) August 3, 2023
This can't be minimized or silenced anymore.
Proud to add my name to their letter. https://t.co/oeHVbjsoRm https://t.co/p16L99xZxp
L'affaire a pris encore plus d'ampleur lorsque le Wall Street Journal a publié un article explosif du récit de huit femmes déclarant que Ramirez avait profité de son statut pour leur faire des avances sexuelles répétées et non désirées, certaines d'entre elles étant mineures à l'époque des faits allégués.
Cette prise de parole des femmes a notamment permis à Ellen Carlsen, la sœur de l'ancien champion du monde, d'oser sortir du silence en signalant un incident de harcèlement à la Fédération norvégienne d'échecs.
Nous apportons à notre tour tout notre soutien aux femmes courageuses à l'origine de cette lettre ouverte et à leurs signataires.
N.B : Adaptation en français par Robin-Side