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Norway Chess : Nakamura repasse les 2800 !
Nakamura est dans le retour dans le club des 2800 pour la première fois depuis 2015. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Norway Chess : Nakamura repasse les 2800 !

Colin_McGourty
| 0 | Couverture d’événements d’échecs

Cela faisait neuf ans qu'Hikaru Nakamura était en deçà de la barrière mythologique des 2800 Elo. Ce samedi, il a fait subir au champion du monde Ding Liren une cuisante troisième défaite d'affilée pour s'inviter à nouveau dans ce club ultra-fermé. L'américain double également son compatriote Fabiano Caruana, mystifié en finale pour la seconde partie de suite, cette fois aux mains de Praggnanandhaa Rameshbabu. Le porte-étendard français Alireza Firouzja subissait le même sort, débordé par le numéro un mondial Magnus Carlsen en fin de journée.

Chez les femmes, Vaishali Rameshbabu a maté Lei Tingjie en Armageddon, mais elle reste sous la menace d'Anna Muzychuk, qui remportait sa seconde partie classique d'affilée, cette fois face à Pia Cramling. La championne du monde Ju Wenjun a remporté ses cinq affrontements depuis le début du tournoi, mais tous en Armageddon. Elle est donc en troisième place.

La ronde six débutera dimanche 2 juin à partir de 17 heures, heure de Paris.

Résultats de la ronde 5

Mixte : Nakamura domine Ding, Carlsen et Praggnanandhaa gagnent à l'usure

Nakamura est plus que jamais en course pour défendre son titre norvégien, mais Carlsen et Praggnanandhaa demeurent en embuscade après des victoires au finish.

Classement après la ronde 5

Nakamura 3-0 Ding

Nakamura, inoxydable, termine cette journée dans la peau d'un numéro deux mondial. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Il est rare de voir une telle différence d'attitude entre deux joueurs au plus haut niveau des échecs. Il fut presque douloureux d'assister à cette partie. Le champion du monde Ding, abattu, a perdu ce samedi sa troisième partie consécutive et plonge à la 13ème place mondiale. Nakamura de son côté, exhalait une confiance sereine et dominait son adversaire sans problème apparent. Il fait son retour après près de neuf ans d'absence (il était 2816 Elo en octobre 2015) dans le club des 2800.

Mais tout ne se résume pas aux statistiques. La clef, c'est Hikaru lui-même qui la donnait lors de l'interview post-partie : "Mon approche, c'est de simplement jouer pour m'amuser !" Pour le chinois, en revanche, depuis son sacre mondial, les échecs semblent n'être qu'un long chemin de croix. L'américain était particulièrement surpris par la différence d'attitude chez son adversaire depuis leur dernière confrontation au Tournoi des Candidats 2022.

Ding n'est plus la même personne… A un moment, il s'est mis à sautiller sur sa chaise, il tremblait comme une feuille. Ca n'allait clairement pas ! C'est difficile, dans ces moments, de ne pas ressentir de la compassion pour son adversaire. - Hikaru Nakamura

Sur l'échiquier, les choses se gâtaient très rapidement. Surpris par Naka dès le troisième coup, le chinois se retrouvait en difficulté. Une petite filouterie qui, d'après l'intéressé, n'aurait pas fonctionné contre Carlsen ou Caruana, qui auraient remarqué que le récent secondant de Nakamura Nils Grandelius l'avait joué quelques heures plus tôt au Top 16 avec son club de Châlons-en-Champagne !

Nakamura a expliqué que son secondant principal Kris Littlejohn a trouvé ce coup intéressant joué par un 2200 au Titled Tuesday. Pourtant, ce dernier perdait presque chaque partie !

Si à Chartres, Grandelius n'a pas pu obtenir mieux que la nulle contre Sabino Brunello, le quintuple champion des USA a lui vite pris le contrôle de l'échange pour s'offrir une victoire convaincante.

C'est notre partie du jour. A ce titre, la voici analysée par le GMI Rafael Leitao :

Avec cette deuxième victoire d'affilée en cadence classique, Nakamura conforte son avance et franchi les 2800 Elo sur la liste en direct :

Tous les voyants sont décidemment au vert pour le top streamer mondial, qui est désormais numéro deux mondial. Sur les autres échiquiers, les finales nous offraient des tragédies dignes du plus grand théâtre grec.

Praggnanandhaa 3-0 Caruana

Praggnanandhaa accroche un nouveau scalp de prestige à son palmarès. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

La sympathique star indienne Praggnanandhaa (18 ans) réussit dans ce tournoi un exploit majeur en battant les numéros 1 et 2 mondiaux. Après Carlsen, il s'offrait le champion des USA en titre dans un esprit "jour le plus long" : pour la seconde fois de suite, Caruana gaffait au 66ème coup dans une finale théoriquement nulle !

A Stavanger, la cadence de jeu est terrifiante : pas de rajout au 40ème coup, mais seulement l'apparition d'un incrément de 10 secondes. Elle influe sans conteste sur les résultats, et à fortiori ceux de Caruana. Comment le précisait son compatriote Nakamura à nos micros, le zeitnot est son talon d'Achille : "Il fait plus de grosses gaffes sous la pression du temps que les autres joueurs du top mondial." 

Cela n'enlève rien au mérite de Praggnanandhaa, qui avait bien compris que la finale de cavaliers avec trois pions contre deux allait être difficile à défendre pour son adversaire.

En fin de compte, l'issue de la tragédie se jouait à une case près :

Caruana se retrouve (temporairement ?) exclu du club des 2800 Elo. De son côté, Pragg revient dans le top 10 mondial et se replace alors second du tournoi. Mais pas pour longtemps, car une autre tragédie en un acte va suivre !

Carlsen 3-0 Firouzja

Soudain, tout semble à nouveau sourire à Carlsen. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Une partie étrange qui commençait par une variante de la berlinoise dans laquelle un Carlsen fatigué se retrouvait un peu par hasard. 

Mais la forme revenait en jouant, et le numéro un mondial était boosté par les imprécisions du français, qui peinait à égaliser dans le milieu de jeu. Au 26ème coup, Alireza se plongeait dans une réflexion de 42 minutes pour finalement jouer 26...Tc8!?.

Si ce coup n'est pas idiot en-soi, il n'était sans doute pas joué pour les bonnes raisons. En effet, d'après Carlsen, après 26...Tb7 27.Txb7 Fxb7, objectivement égal, Alireza avait sans doute le mauvais souvenir d'une partie perdue contre le norvégien dans une finale de fous similaire en 2021.

Effectivement, la ressemblance avec cette finale est frappante. Là encore, Firouzja aurait pu (dû ?) tenir la nulle.

Problème pour le français : sans ligne claire de nulle, l'anaconda Magnus était dans son élément. "J'étais content de le voir détester sa position et se mettre en difficulté à la pendule."

L'embarras du choix… Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

La fin de partie allait pourtant nous réserver encore des surprises. Le jeune loup gardait héroïquement la tête au-dessus de la ligne de flottaison, mais quand il finissait par échanger les tours, c'était pour rentrer dans une finale de pions perdante !

Carlsen, comme Nakamura et Praggnanandhaa avant lui, avait l'élégance de ne pas célébrer cette victoire crève-cœur pour son adversaire.

Cette nouvelle ronde sanglante a bien fait évoluer les cimes du classement mondial. Difficile de croire qu'il y a quelques jours encore, Caruana pouvait en battant Carlsen lui chiper la place de numéro un mondial. Le norvégien a désormais 28 points d'avance... sur un autre américain !

Beaucoup de mouvement en quelques rondes seulement ! Source : 2700chess.

Gagner dans les moments importants, c'est la marque des grands champions. Une fois le travail accompli, Magnus était à l'heure pour regarder la finale de la Ligue des Champions et soutenir son équipe de cœur !

Femmes : Muzychuk lancée à la poursuite de Vaishali

Beaucoup moins de spectacle dans le tournoi féminin, qui voyait toutefois un regroupement intéressant en haut du classement.

Classement après la ronde 5

Muzychuk 3-0 Cramling

Muzychuk a souffert ces derniers temps, jouant 21 parties classiques sans la moindre victoire (dont l'intégralité du Tournoi des Candidates). Avec trois nulles en classique et trois défaites en Armageddon, son début de tournoi norvégien était à l'avenant. Mais la voilà retrouvée ! Avec ces deux victoires de suite, elle est désormais à portée de fusil de la leader.

Muzychuk portait un pull aux couleurs du tournoi. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Cette deuxième victoire, elle l'arrachait à la légende Pia Cramling, qui subissait sa seconde défaite de rang. Les dames s'échangeaient dès le douzième coup, mais l'ukrainienne conservait un avantage de principe grâce à la paire de fous. Un avantage qui grandissait jusqu'à atteindre son point culminant lorsque, avec quatre minutes à la pendule, la suédoise lâchait un pion et franchissait le point de non-retour.

Les deux autres parties classiques étaient sans relief et nous emmenaient rapidement vers l'Armageddon.

Ju 1,5-1 Koneru

La championne du monde a réussi l'exploit de battre toutes ses adversaires en Armageddon lors de cette première partie de tournoi. Mais elle n'a remporté aucune partie classique (qui valent 3 points contre 1,5 en Armageddon) et doit donc se contenter de la troisième place provisoire.

Ju Wenjun domine en cadence rapide, mais doit trouver le chemin de la victoire en classique. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Son jeu sous la pression du temps reste très impressionnant. Encore une fois, elle se contentait d'un petit pion d'avance pour convertir, sa rivale ne trouvant pas le chemin complexe menant à la nulle.

Vaishali 1,5-1 Lei

Vaishali remportait exactement la même finale que son frère. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

Ce duel était le dernier à se terminer. En Armageddon, Vaishali pouvait se permettre de perdre et conserver tout de même les rênes du tournoi. Et si elle se retrouvait d'ailleurs dans une position difficile, elle parvenait à inverser la tendance. La chinoise qui, avec les pièces noires, n'avait besoin que d'une nulle, laissait trop de jeu à son adversaire, et bientôt l'indienne entrait dans une finale de cavaliers trois pions contre deux, comme son frère juste avant elle !

Lei réclamait la nulle par répétition lorsqu'elle plaçait son roi en e4 pour la troisième fois, mais sans succès.

Elle était donc pénalisé et Vaishali gagnait un peu de temps à la pendule. Dans le chaos qui s'ensuivait, la sœur de Pragg parvenait à damer un pion et à mater avec la fin du temps !

Elle aura les pièces blanches contre la championne du monde à la sixième ronde, tandis que le champion du monde mixte aura le pire des appariements au vu de sa méforme : les noirs contre Carlsen ! Les noirs contre Nakamura, c'est également le cadeau empoisonné que devra déballer Caruana après deux défaites de suite. Encore une fois, on pourrait voir du sang, de la sueur et des larmes !

Appariements de la ronde 6

Comment suivre ?
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La retransmission du jour 5 avec aux commentaires Kévin Bordi.

Le Norway Chess 2024 est composé d'un tournoi mixte et d'un tournoi féminin, chacun doté de 1 690 000 NOK (~160 000 $). Il se déroule du 27 mai au 7 juin à Stavanger. Les participants s'affrontent deux fois en classique (120 minutes/40 coups, avec un incrément de 10 secondes à partir du coup 41). Le vainqueur d'une partie classique marque trois points, le perdant, zéro ; en cas de nulle, les joueurs sont gratifiés d'un point mais se battent pour un demi-point bonus en Armageddon (10 minutes pour les blancs, sept pour les noirs à qui la nulle suffit). 


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      Colin_McGourty
      Colin McGourty

      Colin McGourty led news at Chess24 from its launch until it merged with Chess.com a decade later. An amateur player, he got into chess writing when he set up the website Chess in Translation after previously studying Slavic languages and literature in St. Andrews, Odesa, Oxford, and Krakow.

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