Nakamura et Gukesh reviennent sur Nepo ; Caruana reste au contact !
Nous avons le plaisir d'assister au tournoi des Candidats le plus serré de l'histoire avec désormais un trio de tête à seulement deux rondes du terme ! Hikaru Nakamura, bourreau attitré d'un Alireza Firouzja des mauvais jours, et Gukesh Dommaraju, premier à craquer avec les noirs le verrou de Nijat Abasov, sont en effet revenus à hauteur de Ian Nepomniachtchi avec 7.5/12.
Le leader, certainement épuisé par sa victoire au forceps de la veille, s'est montré peu ambitieux face à Praggnanandhaa Rameshbabu et a logiquement concédé la nulle avec les pièces blanches. La fable ne se résume toutefois pas à une course à trois lièvres puisque Fabiano Caruana (7/12), tombeur de Vidit Gujrathi, pourrait bien en devenir la tortue héroïque.
Dans le tournoi des Candidates, c'est le statu quo en tête malgré une énorme frayeur pour Tan Zhongyi, malmenée par la lanterne rouge Nurgyul Salimova. La GM chinoise est parvenue à miraculeusement sauver la nulle pour conserver son demi-point d'avance sur sa compatriote Lei Tingjie, tenu en échec par Kateryna Lagno.
Après une ultime journée de repos, l'action reprendra vendredi 20 avril à partir de 20:30 pour une ronde 13 de tous les dangers !
La retransmission de la Ronde 12 avec aux commentaires Kévin Bordi et les GM Fabi Libi et Sébastien Mazé.
Classement des Candidats après 12 rondes
Classement des Candidates après 12 rondes
Candidats : Nepo ralentit, la meute revient !
Cette douzième ronde s'est révélée la première où les quatre parties se sont poursuivies au-delà du contrôle de temps. L'issue du duel entre Nepo et Prag n'a néanmoins jamais fait l'ombre d'un doute après l'approche très solide des blancs contre la Française. Le double tenant du titre a choisi la variante d'échange - pas forcément dénuée de venin - mais a laissé ses crochets au vestiaire. Pas satisfait de la tournure des événements en milieu de jeu, Nepo a sagement transposé dans une finale symboliquement inférieure pour assurer la nulle. Le GM russe a même rêvé quelques instants d'une victoire improbable quand son jeune rival a pris quelques risques superflus avant de se reprendre à temps.
Avec cette nulle, Prag se retrouve "officiellement" écarté de la course au titre.
Une deuxième Française d'échange s'est invitée dans cette douzième ronde, pleine de surprises. Le scénario s'est toutefois avéré nettement plus animé entre Nakamura et Firouzja avec une grosse passe d'armes tactique dès la sortie d'ouverture :
Les calculs ont tourné à l'avantage des blancs quand le tricolore s'est tiré une balle dans le pied au vingtième-et-unième coup, laissant Nakamura consolider avec ses deux pièces mineures pour tour et pion. La guerre des tranchées n'était pas terminée pour autant puisque le streameur américain envoyait une grenade dans son propre camp durant la mission survie de son rival. Avec seulement quelques secondes à la pendule, Firouzja a - comme à son étonnante habitude - haussé son niveau de jeu pour mener à bien l'opération commando jusqu'au quarantième coup. Avec le confort de trente minutes supplémentaires, le GM français a aussitôt dégoupillé, offrant à Nakamura sa troisième victoire d'affilée sur un plateau.
Lors de la conférence de presse, il a été demandé à Nakamura quel était le facteur qui, selon lui, déterminerait le vainqueur du tournoi. Il a répondu : "C'est probablement l'expérience. Entre Fabiano, moi-même et Ian, nous avons tellement d'expérience. Nous sommes tous les trois habitués à cette situation dans une certaine mesure... mais cela va être passionnant." Il convient de préciser que Gukesh n'avait pas encore gagné au moment de ces déclarations.
Le succès du prodige indien a donc suivi et certainement fait réviser à Nakamura ses prédictions d'autant que les deux hommes s'affronteront dans l'ultime ronde. Bien décidé à jouer pour le gain avec les pièces noires, Gukesh a fait preuve d'une grande créativité dans l'ouverture pour sortir "Abasov le serrurier" de sa zone de confort.
Anish Giri a fait remarquer que Carlsen avait employé une idée simulaire mais dans une ouverture différente contre Nakamura en 2023. Après 22 coups, les deux joueurs ont obtenu une position complexe, jugée comme suit par Gukesh : "Les blancs ont un peu d'activité, mais les noirs s'en sortent très bien sur le plan positionnel. J'ai cet avant-poste sur case noire et le pion c3 est faible".
Le talentueux joueur indien a ensuite progressivement surclassé son rival, échangeant les dames, gagnant un pion puis démontrant une technique chirurgicale en finale malgré la paire de fous adverse.
Durant la conférence de presse, Gukesh s'est montré plus pragmatique quant à ce qui déterminera le vainqueur.
Celui qui proposera de bons échecs lors des deux dernières rondes et parviendra à rester concentré, je pense que cette personne aura d'assez bonnes chances.
— Gukesh Dommaraju
À la question de savoir s'il avait un mot pour ses compatriotes, Praggnanandhaa et Vidit, dont les chances de victoire finale sont désormais réduites à néant, il a répondu très concentré sur sa propre destinée : "Eh bien, c'est un tournoi individuel et la seule personne qui m'intéresse, c'est moi-même, alors non, pas vraiment".
Enfin, puisque plus on est de fous, plus on rit - surtout aux échecs - Caruana s'est joint à la fête ! Le multiple champion des États-Unis, loin de sa forme optimale depuis le début du tournoi, a le mérite de continuer à se battre et saisir les opportunités.
Dans un classique combat de manœuvres sur le terrain de l'Italienne, Caruana a pris le dessus avec les blancs et a concrétisé sa domination dans un milieu de jeu mouvementé et pimenté par la pression du temps.
Le GM Rafael Leitao a analysé en détails cette victoire primordiale du GM américain.
Interrogé sur les victoires de ses rivaux dans leur course à distance, Caruana a déclaré : "Ce n'est pas quelque chose qui me préoccupe parce que je ne peux pas le contrôler. J'ai commis quelques erreurs plus tôt dans le tournoi. J'ai perdu contre Hikaru, et c'est quelque chose que je regrette, mais à ce stade, je ne peux qu'essayer de rattraper mon retard et nous verrons bien. Au moins, j'ai gagné !".
Qu'est ce qui va faire la différence selon lui ?
"Certainement les nerfs... et vous aurez très probablement besoin d'un peu de chance, parce que vous ne pouvez pas gagner de parties si vos adversaires jouent parfaitement.
- Fabiano Caruana
En cas d'égalité à la première place après la dernière ronde de dimanche, des départages auront lieu lundi. S'ils sont deux ex aequo, ils disputeront un mini-match en deux parties de 15+10. S'il y a plus de deux joueurs, un tournoi toutes rondes à la même cadence sera organisé. Si les égalités persistent, les joueurs basculeront en 3+2, d'abord avec un nouveau mini-match, puis jusqu'à ce qu'il y ait un vainqueur s'ils n'arrivent toujours pas à se départager.
Les appariements des deux dernières rondes nous promettent trois confrontations directes brûlantes !
Ronde 13 :
- Nepomniachtchi - Nakamura
- Praggnanandhaa - Caruana
- Vidit - Abasov
- Gukesh - Firouzja
Ronde 14 :
- Nakamura - Gukesh
- Firouzja - Vidit
- Abasov - Praggnanandhaa
- Caruana - Nepomniachtchi
Candidates : Tan évite la catastrophe !
Il est juste de dire que toutes les parties de la ronde 12, à l'exception de la victoire de Vaishali, se sont terminées "pas comme elles étaient censées le faire". Salimova aurait dû battre Tan, Lei était gagnante contre Lagno, et Humpy Koneru aurait pu l'emporter face à Aleksandra Goryachkina - mais au lieu de cela, nous avons eu droit à trois nulles. Analysons les péripéties du destin.
Sur le papier, Salimova-Tan avait tout du duel à la David versus Goliath entre la lanterne rouge et la leader du tournoi. Dans les faits, la MI bulgare a failli délivrer l'une des plus belles partition de sa jeune carrière, le GM Daniel Naroditsky, allant même jusqu'à qualifier en direct sa partie de "chef-d'œuvre Karpovien".
Sur le terrain de l'Anglaise, Salimova s'est créée une majorité mobile à l'aile roi tandis que son adversaire s'efforçait de pousser ses propres pions à l'aile dame. La marée blanche a rapidement éclipsé les vaguelettes noires et Salimova a obtenu un avantage écrasant.
Tan a donné sa version de l'histoire : "Aujourd'hui, dans l'ouverture... J'aurais probablement dû jouer plus actif.... Je voulais presque abandonner, mais lorsqu'elle a joué 43.f6?! au lieu de g6, j'ai senti que j'avais encore un peu d'espoir". Les chances blanches demeuraient néanmoins intactes, mais avec sept minutes contre 32, le 50.Fxf7?? de Salimova a ruiné ses heures de dur labeur pour basculer dans une finale nulle.
Quelle est la magie qui permet de survivre aux positions perdantes ?
"Quand je suis vraiment moins bien, je me sens légère car tout dépend de votre adversaire, vous ne pouvez que faire de votre mieux.
— Tan Zhongyi
Tan conserve donc son petit matelas sur Lei en haut du classement. Miraculée contre Muzychuk le jour précédent, la GM chinoise a en effet connu le revers de la médaille, échouant à mener à son terme une attaque gagnante contre Lagno.
Lagno a réussi à abriter son roi à la santé de fer au centre de l'échiquier malgré des courants d'air inquiétants. Avec un pion de moins, Lei s'est alors trouvée contrainte de forcer un échec perpétuel.
Avec sa bonne humeur habituelle, Lei a relativisé cette occasion ratée :
Je n'ai pas gagné aujourd'hui peut-être parce que j'ai sauvé la partie d'hier. Cela revient au même !
— Lei Tingjie
Vaishali s'avère décidément la reine des séries : après ses terribles quatre défaites d'affilée, elle vient d'enchainer une troisième victoire de rang. La GM indienne a proposé une belle partie avec les noirs et montré une technique sans faille face à Muzychuk, toujours sans réussite dans ce tournoi.
Vaishali a commenté : "J'ai commencé par une victoire chanceuse contre Salimova. J'étais complètement perdante, d'une manière ou d'une autre j'ai réussi à arnaquer, mais les deux derniers jours ont été de bonnes parties, donc je suis très contente de cela".
Interrogée sur sa relation avec son frère Prag, Vaishali a déclaré : "Nous discutons beaucoup d'échecs et j'essaie de voler ses ouvertures, je suppose " et "Chaque fois que je me lève, le premier échiquier que je vais voir est la partie de Pragg... Je pense qu'il fait la même chose".
Enfin, la joute entre Goryachkina et Humpy avait été la première à se terminer en seulement 25 coups explosifs qui auraient pu sourire à la GM indienne qui a préféré répéter les coups en crise de temps.
Voici les appariements des deux dernières rondes où Tan tentera de maintenir Lei à distance :
Ronde 13 :
- Salimova - Lagno
- Tan - Goryachkina
- Humpy - Muzychuk
- Vaishali - Lei
Ronde 14 :
- Lagno - Vaishali
- Lei - Humpy
- Muzychuk - Tan
- Goryachkina - Salimova
Le tournoi des Candidats et celui des Candidates sont les deux événements phares de l'année, décidant de qui défiera respectivement Ding Liren et Ju Wenjun pour la couronne mondiale.
Précédemment :
- Nepo se détache au forceps !
- Caruana et Nakamura à la relance ; Firouzja et Abasov au fond du trou
- Firouzja frustré par la forteresse de Nepo
- Gukesh réagit en champion ; Caruana craque contre Nakamura
- Firouzja redémarre en mode sans échec
- Candidats - Ronde 6 : le naufrage de Firouzja
- Firouzja s'écroule et relance Nakamura ; Vidit rejoint Nepo en tête
- Nepo prend les commandes, Firouzja toujours pas récompensé
- Jour de gloire pour frère et sœur : Prag et Vaishali s'imposent
- Tempête sur l'échiquier : Nepo, Caruana, Vidit et Gukesh font tomber la foudre
- Candidats R1 - Firouzja proche du K.O, 4 nulles pour démarrer
- Magnus Carlsen juge les chances des Candidats 2024