Les allemands brillent contre Caruana et Anand, Carlsen et Nakamura restent en tête
Deux MI allemands de moins de 30 ans sont parvenus à empêcher deux favoris d'atteindre le score parfait après deux rondes seulement au Chess.com Isle of Man International 2017. Les GMI Fabiano Caruana et Viswanathan Anand ont en effet du céder un demi-point avec les noirs aujourd'hui. L'américain a d'ailleurs particulièrement souffert.
Le champion du monde Magnus Carlsen a également du s'employer pour gagner sa partie après avoir choisi la défense Tiger Moderne. Hikaru Nakamura a joué un de ses systèmes à double fianchetto habituel, et a du attendre la finale avant d'obtenir le moindre avantage. Mais les deux sont parvenus à convertir. Ils sont les joueurs les mieux classés à 2/2.
L'ancien champion des USA junior Eugene Perelshteyn (GMI) ne s'est pas échappé devant les complications, mais il n'est pas parvenu à contenir la puissance de Magnus Carlsen jusqu'au bout. | Photo: Maria Emelianova/Chess.com
Anand a annulé une partie au caractère plutôt statique. Le type de partie qui n'aurait sans doute pas pu donner d'autre résultat, malgré tous les efforts des deux joueurs. Aucun des deux n'a essayé de faire usage de sa majorité de pion. Comme nous l'a expliqué son adversaire après la partie, Anand n'est pas un adepte de cette structure de pions noire, très difficile à mettre en mouvement.
Son adversaire était le MI allemand Jonas Lampert. Un joueur amateur qui, nul doute, aura passé une journée mémorable en faisant jeu égal face une véritable légende du jeu.
Le MI Nikolas Lubbe, un compatriote de Lampert, est sept ans plus âgé, mais classé juste un point plus haut. Il sera bientôt avocat, et aujourd'hui, il a fait un véritable procès en 44 coups à Fabiano Caruana.
Le coach de Fabiano Caruana, Rustam Kasimdzhanov, jouait également contre un joueur allemand. Contrairement à son ouaille, il s'est imposé, portant son score à 2/2. | Photo: Maria Emelianova/Chess.com
Après la partie, Lubbe a expliqué à Chess.com que contre un joueur de moindre calibre, il aurait continué à jouer. Comme souvent lorsque l'on est apparié contre un joueur d'un niveau largement supérieur, on préfère oublier tout héroïsme et se contenter de la nulle, ce qui est déjà un résultat probant.
Lubbe a quelques années de plus au compteur que son compatriote, mais il était très excité à l'issue de la partie. Les deux allemands ont fait de courtes post-mortems sans échiquier avec leurs adversaires du jour, mais seul Lubbe a pris une photo avec lui.
Il lui a ensuite demandé sa feuille de partie ! "J'ai un élève, fan de toi, qui adorerait l'avoir." Caruana a du répondre par la négative, car il garde toutes ses feuilles de parties, mais il a proposé à Lubbe de lui signer quelque chose plus tard dans le tournoi. Lubbe a admis qu'il devrait sans doute offrir sa propre feuille de partie au jeune homme en question !
Nikolas Lubbe (à gauche) était aujourd'hui l'égal de Fabiano Caruana, mais malgré tout, il reste un fan ! | Photo: Maria Emelianova/Chess.com
Et que s'est-il passé au premier échiquier ? Comme Caruana et Anand, Carlsen jouait également les noirs. Et dès le début, il a proposé du combat, en utilisant une de ses armes occasionnelles de contre-attaque : la moderne avec ...a6!
Celle que l'on surnomme la "Tiger Moderne" s'invite fréquemment dans le répertoire du champion du monde. Il l'a notamment joué en 2016 en classique contre les GMI Wei Yi et Dragan Solak, gagnant les deux parties. Il l'a également joué à plusieurs reprises en PRO Chess League, pour le plus grand bonheur de son équipe des Norway Gnomes.
Carlsen a-t-il été inspiré par le t-shirt de ce joueur ? | Photo: Maria Emelianova/Chess.com
Qui de mieux pour analyser la partie que l'homme qui a littéralement donné son nom à l'ouverture ? Le GMI Tiger Hillarp Persson est toujours ravi de voir Carlsen s'inviter en Suède voisine et jouer "son" ouverture. Profitez de son savoir dans l'analyse ci-dessous :
Tiger Hillarp Persson était content d'apprendre que côté Carlsen, on valide son analyse. Cette ouverture est joué pour permettre le sacrifice de pion e6 !
Analysis by GM Tiger Hillarp Persson
Petite info intéressante : les joueurs ont suivi la partie Anand-Svidler de 1998 jusqu'au 12ème coup, où Anand avait joué 12.Fd2 au lieu de 12.a4. Vishy se rappelait de cette partie, mais pas du fait que c'était sa première contre Svidler ! Une manière assez saignante d'entamer un duel qui dure depuis aujourd'hui presque 20 ans et 40 parties !
Had World Champ @MagnusCarlsen on the ropes....he defended well and duly outplayed me from a slightly better endgame! Great fight @iomchess pic.twitter.com/mlOEovlB91
— Eugene Perelshteyn (@EugenePerel) September 24, 2017
J'ai réussi à mettre le champion du monde dans les cordes... Mais il a bien défendu et m'a dominé dans une finale légèrement meilleure. Un beau combat.
Avec plusieurs favoris hors des premières places, combien de 2700 ont-ils réussi à garde le rythme de Carlsen ? Quatre seulement : Nakamura, Michael Adams, Pavel Eljanov, et Francisco Vallejo.
Comme Carlsen dans la première ronde, Nakamura a affronté un islandais. Mais celui-ci était GMI.
Hikaru Nakamura aime malaxer les pions qu'il a capturé comme des anti-stress, mais cette fois-ci, il utilise un cavalier un peu trop invasif qui vient de tenter de rentrer dans son camp. | Photo: Maria Emelianova/Chess.com
L'américain a failli être la victime d'une joli liquidation du GMI Helgi Olaffson, qui aurait pu ruiner ses efforts de gain. Mais alors que la position semblait se clarifier, Nakamura a ramené son cavalier vers la case forte d5, d'où il a pu forcer la décision grâce de multiples fourchettes.
Pendant ce temps-là, Adams perpétuait la tendance des matchs intergénérationnels. A la première ronde, le GMI Maxim Rodshtein se voyait dépassé de 41 ans par son adversaire, tandis que Richard Rapport jouait contre le légendaire Jan Timman, de 44 ans son aîné. Aujourd'hui, Adams affrontait le jeune MI indien R. Praggnanandhaa, de 33 ans son cadet. La principale différence ? Contrairement aux autres favoris, le GMI anglais n'a pas annulé.
Le jeune Praggnanandhaa a tenté de jouer agressivement, mais il s'est heurté à un mur. | Photo: Maria Emelianova/Chess.com
Adams soupçonnait, à raison, que la finale de fous de couleurs opposées ne serait pas nulle, grâce à ses pions passés connectés.
Le champion en titre Pavel Eljanov est dans la course pour conserver sa place. Sa partie du jour porte une similitude frappante avec celle de Carlsen. Alors que le champion du monde a joué Tf8, Rg8, Th8 (sans doute grâce à son entrainement en Chess960 dans le cadre du Chess.com Speed Chess Championship !), Eljanov, lui, a forcé son adversaire à jouer les mêmes coups avec les blancs : Tf1, Rg1, Th1.
Mais contrairement à Carlsen, le roi des blancs dans cette partie n'avait plus de place pour respirer, et Eljanov a pu s'en donner à cœur joie. Les blancs, forcés de rester passif, ont assisté impuissants à la percée fatale du pion c.
La partie la plus excitante du jour a opposé le GMI Nils Grandelius à la MI Anna Zatonskih. Le premier cité a sacrifié deux pièces pour ouvrir le roque adverse. Comme Nils nous l'a expliqué après la partie, de nombreux GMI préfèrent 14.Dc2 à 14.Fc2, mais lui s'est dit "pourquoi ne pas mettre la dame devant le fou ?" Quand on constate que la réponse 14...h6 est vraisemblablement perdante, on imagine que cette attaque pourrait gagner des adeptes à l'avenir.
Le jeune suédois avait analysé cette position à la maison, et noté que l'ordinateur donnait 14...h6 perdant. Il ne lui restait plus qu'à retrouver les causes, et administrer le poison à son adversaire :
Interview du GMI Nils Grandelius (en anglais)
La question des appariements est plus que jamais d'actualité. L'aléatoire n'est plus de mise, et le système suisse prévaut jusqu'à la fin du tournoi. Il n'y avait donc pas de grandes disparités d'Elo lors de cette ronde. Il faut descendre jusqu'au 40ème échiquier pour retrouver trace d'une véritable surprise, le MI Harsha Bharathakoti battant le GMI Varuzhan Akobian.
Finalement, pour la GMI Hou Yifan, le Jour sans fin continue. Après sa victoire contre la MI Elisabeth Paehtz, l'improbable s'est encore produit. Avec seulement 3 femmes sur 34 dans le groupe des joueurs à 1,5/2, Hou a été apparié contre l'une d'entre elles, la MI Nino Batsiashvili. Etonnament, les deux autres femmes à 1,5/2 joueront également l'une contre l'autre. Pour Hou, c'est la 10ème confrontation avec des femmes en 13 parties en Open cette année.
Les appariements de la troisième ronde sont disponibles. Carlsen devra à nouveau affronter un américain en la personne du GMI Jeffrey Xiong. Au deuxième, on s'attend à une partie des plus excitantes entre Alexei Shirov et Nakamura.
L'Open International Chess.com de l'île de Man est un tournoi d'élite qui aura lieu du 23 septembre au 1er octobre. La cadence est de 100 minutes pour 40 coups, 50 minutes pour 20 coups puis 15 minutes pour finir la partie, avec un incrément de 30 secondes à chaque coup. L'enveloppe des prix est de 133 000£, dont 50 000£ pour le vainqueur. (environ 56 500€). Les rondes commencent à 14h30 heure de Paris, sauf la dernière, qui commencera à 13h00. Les commentaires en directs sur Chess.com/TV seront assurés par le GMI Simon Williams et la MIF Fiona Steil-Antoni.