Le chef d'œuvre hollandais : Giri bat Carlsen pour la première fois en 12 ans
Ce mardi, à l'occasion de la quatrième ronde du Tata Steel Chess 2023, Anish Giri a battu le champion du monde Magnus Carlsen pour la première fois depuis plus de dix ans en cadence classique. Non loin de là, Nodirbek Abdusattorov faisait preuve d'une précision chirurgicale pour venir à bout de Parham Maghsoodloo. Les deux vainqueurs du jour sont désormais seuls ex-aequo en tête du tournoi.
De son côté, Rameshababu Praggnanandhaa réalisait la plus belle performance de sa carrière en s'offrant le numéro deux mondial Ding Liren. Le jeune indien est désormais troisième, ex-aequo avec Fabiano Caruana.
Dans le tournoi Challengers, les GMI Mustafa Yilmaz, Velimir Ivic, et Alexander Donchenko ont gagné et sont désormais tous trois en pole position.
La retransmission de la troisième ronde avec aux commentaires le MF Stéphane Bressac et le GMI Matthieu Cornette.
C'est le duel 100% américain entre Levon Aronian et Wesley So qui se terminait en premier. Dans l'ouverture, Levon égalisait facilement grâce au coup 10...e4, échangeant les pions du centre et ouvrant la colonne d. La position restait équilibrée, les deux joueurs signant la nulle au 46ème coup dans une finale de fous de couleurs opposées.
Copiant le style créatif de Richard Rapport, Caruana surprenait son adversaire dans l'ouverture avec une poussée très rapide des pions g et h. Notre commentatrice indienne Tania Sachdev ne tarissait pas d'éloges sur le choix de l'américain : "On assiste à quelque chose d'incroyable ! Fabiano est l'un des joueurs les mieux préparés du circuit, et l'on attend de lui qu'il joue des variantes ultra-principales saupoudrées de quelques nouvelles idées. Mais là, c'est une agression en règle !"
Malgré une ouverture très intéressante, la position demeurait égale, et de nombreuses pièces étaient bientôt échangées. Les tours disparaissaient sur la colonne h, et la partie semblait se diriger tranquillement vers la nulle. Etrangement, Rapport jouait alors quelques coups douteux, laissant Caruana prendre un bel avantage. Finalement, la nulle était tout de même signée un peu plus tard.
Dans l'interview post-partie, Caruana évoquait le moment de confusion ayant sans doute causé ces imprécisions. "Nous avons atteint une finale égale, et il m'a proposé nulle vers le 19ème coup. J'étais sur le point d'accepter, car la position était complètement égale, quand je me suis souvenu que les règles locales interdisaient la nulle avant le 30ème coup. Nous avons donc appelé l'arbitre, et il nous a dit de continuer encore quelques coups. Richard s'est alors mis à jouer de manière assez imprécise, et sa position est vite devenue très dangereuse."
Pendant ce temps, Giri réalisait un exploit rare : battre le champion du monde en activité. Grâce à une coordination formidable, les pièces du grand-maître batave infiltrait la position de Carlsen avec pertes et fracas, créant toutes sortes de clouages au milieu de l'échiquier. Il trouvait notamment dans cette position un coup qualifié par nos commentateurs de "très osé contre Magnus". Parviendrez-vous à faire de même ?
C'est la partie du jour, analysée par le GMI Rafael Leitao.
The world champion resigns, a scene spectators rarely see in classical chess.@anishgiri wins a game he will likely never forget, in his home country, and currently leads the tournament with 3/4. #TataSteelChess pic.twitter.com/7EE00FgflX
— ChesscomLive (@ChesscomLive) January 17, 2023
Après la partie, Giri ne se montrait pas surpris outre mesure. "Ca devait arriver un jour ou l'autre. J'ai très mal joué contre lui ces derniers temps, et à chaque fois, il se permettait de prendre un peu plus de risques contre moi. Je savais que mon heure viendrait, car il me laisse de plus en plus de jeu, comme lorsque je n'étais qu'un bébé."
Sa dernière victoire contre Carlsen en classique, Giri l'avait en effet obtenu il y a douze ans dans ce même tournoi, alors qu'il n'était âgé que de seize ans. Retrouvez ci-dessous la vidéo du jeune prodige analysant sa victoire. Voyage dans le temps garanti !
Vincent Keymer et Arjun Erigaisi ont joué une partie très solide, évitant les pièces mal placées et les faiblesses. Ils signèrent la nulle dans une finale équilibrée. Cette partie très stratégique a été analysée pour vous par le MI Adrian Petrisor.
La partie entre Jorden van Foreest et Gukesh D nous proposait une sicilienne animée. Le néerlandais choisissait le grand roque, tandis que son adversaire laissait son roi au centre et poussait ses pions de l'aile dame. La position allait s'éclaircir lorsque l'indien roquait "à la main" vers l'aile dame et que plusieurs pièces s'échangeaient au centre. Les joueurs signaient la nulle sans jouer une finale de pièces mineures tout à fait égale.
De son côté, Abdusattorov instillait de nouvelles idées dans l'espagnole avec 16.Fg5, et mettait sous pression le roi de Maghsoodloo en jouant de manière énergique. Pas bien dans l'ouverture, comme à son habitude, l'iranien contre-attaquait et maintenait un équilibre précaire, mais il ratait l'opportunité d'échanger les dames au 38ème coup. L'ouzbek enfermait alors son roi au centre, l'attaquant tout en négociant avec brio une finale dame+tour des plus complexes.
Après la partie, le prodige se montrait particulièrement lucide : "Après Dh4, lorsqu'il a décidé de garder les dames, je me suis dit que c'était très dangereux pour lui. Et j'ai effectivement pu mener une attaque sans risque sur son roi."
Parham se défendait encore une fois bec et ongles, parant tous les échecs avec ses pièces lourdes. Mais son adversaire enchaînait les coups précis et provoquait bientôt l'erreur fatale. "En pratique, c'est impossible à défendre." ajoutait le vainqueur du jour après avoir maté sur l'échiquier au 64ème coup.
The commentators are full of praise for Abdusattorov, who is putting extreme pressure on Maghsoodloo in the heavy-piece endgame.#TataSteelChess pic.twitter.com/Hx72LH8op3
— ChesscomLive (@ChesscomLive) January 17, 2023
Praggnanandhaa était encore une fois le dernier à terminer sa partie. Ses qualités d'endurance et son "fighting spirit" lui permettent de réaliser sa meilleure performance à ce jour contre un joueur classé au-delà des 2800 Elo. Et avec les noirs, s'il vous plaît ! Dans une italienne avec structure de pions symétrique, les joueurs échangeaient des pièces pour entrer dans une finale tours+cavaliers. Malgré l'égalité de principe, le jeune indien préparait une percée centrale et obtenait des pièces très actives. Il remportait ensuite un pion et torturait Ding pendant 74 coups avant que ce dernier ne rende les armes.
GM @rpragchess defeats GM Ding Liren in his biggest win in classical chess! He finishes the day on 2.5/4, just a half point behind the leaders!
— ChesscomLive (@ChesscomLive) January 17, 2023
Yet another reminder that the next generation knocks on the door of history. ⏳#TataSteelChess pic.twitter.com/Uv2P2yMjBb
Dans le tournoi Challengers, Donchenko obtenait une position dominante avec les noirs contre Jergus Pechac. Son pion d, soutenu par ses pièces longue portée, devenait rapidement inarrêtable. Pendant ce temps, le roi d'Ivic s'aventurait jusqu'en f3 au lieu de roquer. Le serbe parvenait ensuite à mettre deux tours sur la septième, et se débarrassait prestement de la sicilienne Taimanov de la MI indienne Vaishali R. Enfin, Yilmaz dominait Max Warmerdam dans une finale dame+fou rondement menée.
Résultats - Masters, Ronde 4
Classement provisoire
Appariements - Masters, Ronde 5
Toutes les parties - Masters, Round 4
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