GP FIDE de Berlin - R6 : Nakamura et Rapport candidats !
Sa victoire à la sixième ronde du Grand Prix FIDE de Berlin, la troisième de rang, permet à Hikaru Nakamura de remporter la poule A et de s'assurer une place en demi-finales. Plus important encore, le GMI américain rejoint Richard Rapport parmi les qualifiés pour le prochain Tournoi des Candidats.
Dans la poule B, Shakhriyar Mamedyarov a fait nulle tandis que Vincent Keymer l'emportait. Ces deux joueurs se retrouveront donc jeudi en départages pour une place en demies. Les américains Wesley So et Sam Shankland partageaient la tête du groupe avant la ronde du jour, et une nulle chacun les forcera à se départager en rapides demain. La sensation de cette ultime ronde est iranienne : Amin Tabatabaei, plus fabile Elo du tournoi, est venu à bout d'Anish Giri avec les pièces noires pour s'offrir une place dans le dernier carré.
Les départages auront lieu mardi 29 mars à partir de 15 heures, heure de Paris.
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Poule A
Le streameur américain a encore frappé ! En remportant sa partie du jour contre le redoutable jeune loup Andrey Esipenko, Nakamura composte son billet pour les demi-finales. Ses principaux concurrents étant déjà éliminés, il est mathématiquement assuré d'une place au Tournoi des Candidats, qui aura lieu cet été à Madrid.
Levon Aronian avait réalisé une première étape majuscule, déjà à Berlin, en ne perdant qu'en départages contre Nakamura en finale. Il a également commencé cette étape sur les chapeaux de roues, prenant sa revanche sur son compatriote dès la première ronde. Il affrontait aujourd'hui Grigoriy Oparin, déjà éliminé la veille après un combat homérique contre Nakamura. Pourtant, le russe prouvait qu'il avait encore de l'énergie et partait à l'attaque dans la catalane. Aronian, se sentant sans doute dos au mur et voulant éviter un départage rapide contre Nakamura, répondait avec une défense de combat.
A la fin de sa partie, Nakamura évoquait sa possible influence sur le choix d'ouverture d'Aronian, qui dégainait la suite provocatrice 11...h6 12...g5, risquée au mieux, suicidaire au pire... Il est également possible que cette idée soit issue du redoutable cahier de prépas de Levon, particulièrement étoffé pour l'occasion, comme on l'a vu hier face à Esipenko.
En conférence de presse, Oparin reconnaissait que l'idée était intéressante. Pourtant, il l'avait quelques heures plus tôt réfuté agressivement, obtenant un avantage clair. Les choses allaient de mal en pis pour Aronian, qui devait bientôt abandonner sous peine d'être maté sur l'échiquier. Coup dur pour l'ex-arménien, mais partie référence pour Oparin, qui aura prouvé lors de ce GP qu'il appartient lui aussi au gratin mondial.
Dans l'autre partie du groupe, Namakura affrontait Esipenko, qui se présentait avec une préparation calibrée dans la partie du fou. Pas suffisant pour convaincre l'américain, qui commentait après la partie : "C'était un choix assez tiède. Il existe de nombreuses ouvertures plus intéressantes."
Pourtant, le russe obtenait bien l'avantage dans l'ouverture, mais il permettait bientôt aux noirs d'égaliser. Les deux joueurs continuaient malgré tout une lutte à couteaux tirés. La position du new-yorkais pouvait parfois inquiéter, notamment avant 27...f5!?, un coup de grande classe qui résolvait la majeure partie de ses problèmes.
Esipenko osait ensuite le très responsable sacrifice de qualité 33.Txf4, un coup qui semblait prometteur mais qui allait finalement se retourner contre lui.
Les blancs auraient pu jouer 35.Txe8 pour forcer la nulle après 35...Dxe8 36.Dxd6, mais le russe en voulait plus, comme le confirmait son adversaire en conférence presse : "Lorsque l'on a mis la pression toute la partie, il est très difficile de se résigner à échanger pour faire nulle. Ce n'est pas dans l'esprit de la partie que vous venez de jouer."
Le yankee prenait définitivement le contrôle de l'échange avec le très fort 37...h5! Quelques coups plus tard, son jeune rival jetait l'éponge.
La partie du jour, analysée par le GMI Dejan Bojkov
Poule B
Avec une nulle rapide, Mamédyarov se montrait satisfait de jouer soit Dominguez soit Keymer en départages. Mais il laissait toutefois l'opportunité au cubain de prendre d'emblée la place pour les demi-finales en battant Keymer...
Selon la règle de Sofia, en vigueur dans ce tournoi, il est interdit de signer la nulle par accord mutuel avant le trentième coup. On s'attend donc généralement à "au moins" un simulacre de combat, mais ce fut même pas le cas entre Mamedyarov et le malheureux Daniil Dubov. Dès le 10ème coup, les deux hommes répétaient la position et se serraient la main. Une décision étrange de la part de l'azéri.
Dans l'autre partie, Keymer jouait une ligne relativement insipide contre le gambit dame accepté de Dominguez, mais semblait tout de même pouvoir envisager de jouer pour l'avantage. Il décidait soudainement de lancer ses pièces à l'assaut du roi noir (Cd2-e4-g3-h5 et Db1-e4-g4), et l'attaque blanche devenait bientôt très menaçante et concrète.
On peut aisément imaginer que le coup 20...Cxe5 des noirs, censé juguler l'attaque adverse, était basé sur une erreur de calcul ou bien une mauvaise évaluation de la force du coup 22.Fd4!, qui gagne une qualité. Malgré une résistance acharnée, le jeune allemand ne relâchait plus jamais l'avantage et obtenait un point précieux qui lui offre une chance de rêver aux demi-finales. Il affrontera demain Mamedyarov en départages.
Poule C
Deux nulles dans cette poule aujourd'hui. On retrouvera le duo américain So-Shankland en départages rapide pour une place en demi-finales. Pourtant, les deux hommes ont atteint le résultat escompté de manière diamétralement opposées...
Avec les pièces blanches face au GMI russe Alexandr Predke, So choisissait l'espagnole, Predke répondant avec sa bien-aimée variante Zaitsev, comme contre Maxime Vachier-Lagrave un peu plus tôt. L'américain obtenait un léger avantage et semblait faire de bons progrès jusqu'à 32.h4?!, qui permettait aux noirs de jouer la jolie manœuvre 32...Da8-c8-g4 et d'obtenir suffisamment de contre-jeu.
Dans l'autre partie, Shankland avait les blancs contre Maxime et proposait le système russe contre la défense Grünfeld, comme Yu Yangyi face à Giri il y a quelques jours.
Après la partie, l'américain reconnaissait avoir été piégé : "J'ai eu peur de perdre cette partie sans même faire réfléchir Maxime." Pourtant, il parvenait à naviguer avec précision dans une position plus tranchante qu'un rasoir et obtenait l'échec perpétuel tant désiré.
Poule D
En cas de nulles générales, les quatre joueurs se seraient retrouvés demain en départages. Mais Tabatabaei avait coché cette date, et s'est montré à la hauteur de l'évènement.
Yu ne pourra pas être satisfait de son tournoi. Après avoir obtenu deux positions totalement gagnantes qu'il n'a pas sur convertir aux rondes précédentes, il se voyait offrir une dernière chance de prendre le large avec les pièces blanches face à l'ancien leader du groupe Nikita Vitiugov.
Comme à Belgrade dans une situation similaire, il choisissait la partie espagnole. Mais contrairement à sa partie contre Predke, il n'obtenait cette fois rien de spécial de l'ouverture. Les noirs égalisaient en douceur, ne laissant les blancs avec rien de mieux que la répétition des coups.
Alors que la veille, il avait sauvé une nulle dans une position clairement perdante contre Yu, Tabatabaei affrontait aujourd'hui Giri avec les pièces noires. Pas une sinécure pour quiconque, mais sans doute encore moins pour un joueur classé 150 points en dessous du GMI hollandais...
Contre toute attente, les noirs égalisaient dès l'ouverture, et le coup 19.h4? du batave le précipitait bientôt dans une pente savonneuse. L'iranien se montrait à la hauteur de l'occasion, et saisissait sa chance à plein.
En conférence de presse, un Tabatabaei visiblement ému et épuisé reconnaissait avoir battu "le plus fort joueur de (sa) carrière." Il ajoutait : "Je suis extrêmement fier. Me qualifier contre une opposition aussi forte, c'est incroyable. Qu'importe ce qui se passera maintenant, je peux déjà remercier mon étoile."
Je peux remercier mon étoile.
—Amin Tabatabaei
Résultats
Toutes les parties de la ronde 6
Le Grand Prix FIDE de Berlin est la dernière étape du circuit 2022. Il se déroule du 22 mars au 4 avril. Les parties commencent chaque jour à 15 heures, heure de Paris.
Précédemment :
- Grand Prix FIDE de Berlin - R5 : Nakamura toujours debout, MVL au tapis
- Grand Prix FIDE de Berlin - R4 : MVL et Nakamura prennent leur revanche !
- Grand Prix FIDE de Berlin - R3 : Keymer seul victorieux, Nakamura miraculé
- Grand Prix FIDE de Berlin - R2 : Huit nulles
- Grand Prix FIDE - R1 : Retour à Berlin
- Grands Prix FIDE 2022 : toutes les infos