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Les 10 plus belles parties de l'histoire des Championnats du Monde

Les 10 plus belles parties de l'histoire des Championnats du Monde

NathanielGreen
| 57 | Parties extraordinaires

Quelle est la plus belle partie d'échecs que vous ayez jamais jouée ? Vous souvenez-vous où vous étiez : était-ce sur Chess.com, ou devant l'échiquier ? S'agissait-il d'une partie de tournoi ou d'une partie plus décontractée ?

Eh bien, imaginez que vous distilliez un chef d'œuvre sur la plus grande des scènes, le Championnat du Monde FIDE. Il est déjà difficile de parvenir à ce stade - moins de 40 "élus" ont disputé un match pour la couronne mondiale - et encore plus difficile de gagner, sans parler de le faire avec des joutes qui passionneront des millions de personnes pour les décennies à venir.

Comment suivre le match de Championnat du Monde FIDE ?
Vous pouvez suivre le Championnat du Monde FIDE 2021 en direct sur Chess.com/TV et sur nos chaines Twitch et YouTube. Trouvez également tous les détails sur le duel au sommet ici et sur notre plateforme d'évènements en direct.

Il s'agit selon nous des 10 parties les plus mémorables disputées lors d'un match de Championnat du Monde.

Nous avons analysé chacune d'entre elles avec Stockfish 12 à la profondeur 30 (15 coups par camp) en utilisant la nouvelle fonction Revue de partie. Les annotations sont également grandement issues de l'édition 2021 de The Mammoth Book of the World's Greatest Chess Games, dans laquelle huit des dix parties ci-dessous (toutes sauf les partitions de 1987 et 2004) sont commentées.


Steinitz-Chigorin, 1892, 4ème partie

Wilhelm Steinitz est devenu le premier champion du monde officiel en 1886 en battant Johannes Zukertort. Steinitz défendit son titre avec régularité : 1889, 1890, et 1892 avec succès avant de perdre contre Emanuel Lasker en 1894. Deux de ces défenses, 1889 et 1892, ont eu lieu contre Mikhail Chigorin. Notre première partie est issue de ce dernier match.

Pour un attaquant de style romantique comme Chigorin, se faire écraser de la sorte a dû être une pilule difficile à avaler. Le coup 20.Df1 de Steinitz est bien connu, et il avait évidemment dû voir la variante 24.Txh7+ et 25.Dh1+ pour le jouer. Chigorin a forcément manqué cette idée, étant donné qu'elle s'est produite sur l'échiquier.

Ce duel a également donné lieu à l'une des pires parties de l'histoire des Championnat du Monde, qui a fini par décider du match en faveur de Steinitz.

Wilhelm Steinitz
Le premier champion du monde nous offre la première partie de cette liste. Photo : Wikimedia/public domain.

L'œil de l'ordinateur...

Steinitz a obtenu un excellent score de précision de 95.2 comparé au modeste 79.8 de Chigorin. Humoristiquement, le seul coup de Steinitz que l'ordinateur n'aime pas est... oui, vous l'avez deviné, 20.Df1. Stupide ordinateur qui essaie de casser l'ambiance.

Mais voici ses arguments, la machine prétend que les noirs peuvent s'en sortir avec 20...h5, sans quoi ils sont perdants. Maintenant, qui va jouer 20...h5 ? Vous ? Chigorin ? Moi ?

Lasker-Capablanca, 1921, 10ème partie

Jose Raul Capablanca était l'un des meilleurs joueurs de finale de tous les temps, et cette partie n'en est qu'un exemple. Le match était serré jusqu'alors, Capablanca menant 1-0 après neuf parties. Il a ici fait le break.

C'était le tournant du match. Emanuel Lasker n'a pas été compétitif par la suite, et on peut se demander si il s'agit de l'une des fois où son esprit de combat a failli. Avant le match, il avait même essayé de renoncer au titre et de jouer en tant que challenger, ce que le monde des échecs n'avait pas accepté, mais cela donne un aperçu de son état d'esprit au début du match. Capablanca a verrouillé son succès avec deux victoires supplémentaires dans les quatre parties suivantes, Lasker gaffant facilement une qualité sur une combinaison en deux coups dans la dernière partie. Après quoi, il a rendu les armes.

Jose Capablanca
Capablanca a largement dominé cette partie, à l'image du match. Photo : Wikimedia/public domain.

L'œil de l'ordinateur...

Capablanca 91.5, Lasker 86.1, une partie plutôt serré.

Capablanca et l'analyste du Mammoth Games, le MF Graham Burgess ont tous deux rejeté 43...Cb4 à cause de 44.Td2 Tb1 45.Cb2 Txb2 46.Txb2 Cd3 47.Re2 Cxb2 48.Rd2. L'ordinateur pense, bien sûr, que 43...Tb1 est une erreur et que 43...Cb4 est le meilleur coup. Dans cette variante, la machine prend son temps au 45ème coup, jouant 45...Cc6 en essayant et en échouant à gagner le cavalier comme dans la suite 45...Txb2.

Nous, humains, voulons et avons besoin de quelque chose de plus concret, donc 43...Tb1 était le meilleur coup d'un point de vue pratique. En fait, Lasker a certainement joué la ligne que Capablanca et Burgess ont analysée comme le type de piège pratique pour lequel il était célèbre (et parfois accusé de ne compter que là-dessus pour gagner, ce qui est évidemment ridicule). On ne peut pas toujours écouter la machine.

Botvinnik-Tal, 1960, 6ème partie

Sans doute la partie la plus célèbre de Mikhail Tal grâce à son incroyable 21ème coup : un sacrifice typique du Magicien de Riga, peut-être pas "correct" dans la mesure où il peut (ou pas !) perdre contre un jeu parfait, mais rend très difficile la tache pour un adversaire humain.

Tal lui-même n'était pas très impressionné par le coup en question, le considérant comme nécessaire compte tenu de la façon dont il avait déjà joué l'ouverture et le milieu de partie. Quoi qu'il en soit, grâce à cette victoire, Tal a pris deux points d'avance dans le match (4-2 avec les nulles). Il avait également remporté la première partie et menait le match de bout en bout, jusqu'à une ultime nulle dans la 21e partie.

Mikhail Tal
Tal en pleine réflexion en 1964. Quel sacrifice sauvage est-il-en train d'imaginer ? Photo : Harry Pot/Dutch National Archives, CC.

L'œil de l'ordinateur...

Préparez-vous à tout. Cette partie est plus célèbre pour sa complexité que pour sa précision dans chaque ligne comme l'exigerait un ordinateur. Donc le résultat de...

Tal 86.3, Botvinnik 83.2

...n'est pas si mal.

L'ordinateur considère que Cf4 est imprécis, mais comme Tal l'a dit, cela faisait partie du plan des noirs. Et ça a marché. Contrairement à Mikhail Botvinnik, l'ordinateur est (habituellement) à peu près omniscient.

Petrosian-Spassky, 1966, 10ème partie

Deux sacrifices de qualité dans le style classique de Tigran Petrosian, plus une combinaison finale hallucinante ? On en redemande !

En 1966, Petrosian est devenu le premier joueur à défendre son titre avec succès depuis Alexander Alekhine contre Efim Bogoljubow en 1934. Comme Tal six ans auparavant, la meilleure partie de Petrosian lui a permis de mener 2-0 dans un match qu'il a mené de buot en bout.

Tigran Petrosian
Petrosian tout sourire en 1962. Il avait toutes les raisons de sourire en 63 et 66. Photo : Harry Pot/Dutch National Archives, CC.

L'œil de l'ordinateur...

Petrosian 91.2, Spassky 81.7

Il s'agit d'une démonstration particulièrement impressionnante de notre outil d'analyse qui s'est montré plus humain qu'à l'accoutumé. Le premier sacrifice de qualité et le coup de grâce tactique reçoivent tous deux la brillante désignation !! et deux autres coups, dont aucun n'est nécessairement évident, reçoivent un point d'exclamation.

Fischer-Spassky, 1972, 6ème partie

Pauvre Boris Spassky, nous sommes sur le point d'en faire le premier joueur à perdre deux parties dans cette liste.

Les gens se souviennent de cette partie parce que Bobby Fischer a débuté de manière inhabituelle avec 1.c4. C'est également la partie qui lui a permis de prendre la tête dans le match. Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est qu'il a utilisé 1.c4 régulièrement lors de ce duel (à partir de cette victoire), y compris dans sa partie suivante avec les blancs, qu'il a également gagnée.

Bobby Fischer
Fischer, quelques mois avant le match de 1972. Photo : Bert Verhoeff/Dutch National Archives, CC.

L'œil de l'ordinateur...

Fischer 92.4, Spassky 79.2, mais l'idée que Fischer n'a joué qu'avec 92% de précision dans cette partie semble idiote. Et même si Spassky est affublé du score de 79%, il n'a commis aucune gaffe évidente, se faisant juste écraser progressivement. Au 26ème coup, malgré l'absence d'avantage matériel, l'ordinateur donne à Fischer un avantage de +4,5, soit presque la valeur d'une tour.

Karpov-Kasparov, 1985, 16ème partie

Dans leurs nombreux face-à-face pour le titre mondial, Garry Kasparov a gagné 21 parties contre 19 pour Anatoly Karpov. Il est donc un peu injuste que les deux parties de leurs matchs dans ce recueil soient des victoires de Kasparov. Pour tous les fans de Karpov, voici notre leçon utilisant certaines de ses plus grandes parties.

Par ailleurs, la 16ème partie de leur duel de1985 est peut-être la plus brillante jamais jouée par quiconque, quel que soit le contexte.

Comme Fischer, Kasparov avait pris un avantage dans le match qu'il ne voulait pas perdre.

Garry Kasparov Anatoly Karpov
Ce match se jouait aussi avec d'énormes enjeux en coulisse. Photo : Owen Williams/SMSI, CC.

L'œil de l'ordinateur...

Voilà le travail : Kasparov 97.4 contre 83.9 pour Karpov.

Après les imprécisions 11...Fc5 (qui donnait à Karpov l'opportunité, manquée, de s'en prendre au cavalier noir en b4) et 12...O-O, le jeu de Kasparov s'est révélé quasi parfait.

Kasparov-Karpov, 1987, 24ème partie

L'autre victoire de Kasparov contre Karpov figure sur cette liste en raison des circonstances. Lasker avait probablement besoin de battre Schlechter dans la dixième partie pour conserver son titre (les historiens ne sont pas sûrs), mais Kasparov était lui, sans l'ombre d'un doute, dos au mur.

Le premier match de championnat du monde entre deux Soviétiques à se dérouler entièrement en dehors de l'Union soviétique (à Séville, en Espagne, après que le match de 1986 se soit déroulé entre Londres et Leningrad) s'est terminé de manière dramatique.

Garry Kasparov Anatoly Karpov Jan TImman
Kasparov et Karpov (et le GM Jan Timman) à Amsterdam, six mois avant leur match à Séville. L'un des plus serrés de l'histoire. Photo : Bart Molendijk/Dutch National Archives, CC.

L'œil de l'ordinateur...

Kasparov 89.7, Karpov 84.1.

Compte tenu des circonstances et de l'énorme pression pesant sur les deux camps, cette partie est loin de ressembler à un bullet quelconque en 1+0 malgré ses quelques erreurs.

Kasparov, conscient d'un égarement, explique la raison de sa principale erreur (coup 33) dans How Life Imitates Chess de 2007. Ces satanés arbitres ?

Perdu dans mes pensées, j'ai été surpris par une tape sur mon épaule. L'arbitre néerlandais s'est penché vers moi et m'a dit : "M. Kasparov, vous devez noter les coups". J'étais tellement absorbé par la partie que j'avais oublié de noter les deux derniers coups sur ma feuille de match, comme l'exige le règlement. L'arbitre avait bien sûr raison de me le rappeler, mais quel moment pour se montrer rigide ! Perturbé, j'ai joué ma dame sur la mauvaise case. J'ai raté une subtilité et n'ai pas vu pourquoi un autre coup avec la même idée aurait été plus fort. Mon coup a laissé à Karpov la possibilité d'une défense intelligente, et soudainement il était à un pas de récupérer son titre. Mais sous la pression du temps, il a manqué le meilleur coup (bien que notre échange d'erreurs n'ait été découvert que bien après la partie), et le momentum était toujours avec moi.

Kasparov-Anand, 1995, 10ème partie

Est-ce que trois parties de Kasparov, c'est trop ? Eh bien, celle-ci présente une préparation ridicule de l'Ogre de Bakou : il a joué ses 21 premiers coups en moins de cinq minutes, alors que Viswanathan Anand, habituellement rapide, a dû consommer la majorité de son temps.

C'était également une partie importante dans le match : après huit nulles, Anand venait de prendre l'avantage dans la neuvième partie, mais Kasparov l'a brillamment rattrapé, puis a remporté les parties 11, 13 et 14, sans plus connaitre le goût de la défaite. Tout a basculé sur cette préparation prodigieuse.

L'adversaire de Kasparov cinq ans plus tard, qui a travaillé avec lui dans ce match, Vladimir Kramnik, savait qu'il ne fallait pas jouer cette variante de la Ruy Lopez contre lui.

Garry Kasparov Viswanathan Anand
Kasparov et Anand en 2017. "Tu te souviens de cette partie où je t'ai battu en 5 minutes ?" (OK, je ne sais pas vraiment de quoi ils discutaient.) Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

L'œil de l'ordinateur...

Kasparov 97.3, Anand 87.2. À l'image de la partie Petrosian-Spassky, les assignations des marqueurs !! et ! de l'ordinateur sont particulièrement fortes.

Kramnik-Leko, 2004, 14ème partie

Comme dans la partie Kasparov-Karpov de 1987, Kramnik était à une nulle de perdre son titre. Le russe a alors répondu par un chef-d'œuvre positionnel, accumulant progressivement divers avantages sur tout l'échiquier.

Une situation comme celle-ci ne se reproduira peut-être jamais. C'était le dernier match de Championnat du Monde à ce jour qui ne comportait pas de clause de départages en rapide, et il est difficile d'imaginer une circonstance future où cette donnée pourrait s'inverser.

Vladimir Kramnik
S'est imposé dos au mur pour conserver sa couronne avec brio. Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

L'œil de l'ordinateur...

Kramnik 97.2, Leko 85.9.

De façon instructive, l'ordinateur n'est pas le plus grand fan de plusieurs des échanges opérés par Peter Leko : 8...Fxc5, 15...Cxd4, et 16...Dxd2+. N'ayant besoin que d'une nulle pour devenir champion du monde, il est compréhensible que Leko était impatient de liquider la position, mais ses choix ont eu tendance à favoriser Kramnik. 24...Cf4, visant un autre échange, fut l'erreur fatale, permettant 25.b6 avec la création d'un avant-poste pour les blancs en c7.

Anand-Topalov, 2010, 4ème partie

La Catalane est censée être une ouverture positionnelle à long terme. Anand n'avait pas l'air très concerné par cette idée quand il a entrepris la démolition du roi de Veselin Topalov.

Anand a pris l'avantage 2-1 grâce à cette victoire et bien que Topalov ait égalisé dans la huitième partie, Anand s'est adjugé la 12e et dernière joute pour remporter le match. Anand avait dû gagner un tournoi en 2007 pour devenir champion, puis en 2008 battre Kramnik et enfin battre Topalov en 2010.

Viswanathan Anand
"Non, sérieusement, j'ai transformé la Catalane en une ouverture d'attaque !" Photo : Maria Emelianova/Chess.com.

L'œil de l'ordinateur...

Anand 98.2, Topalov 84.6.

22...Tad8 est désigné comme le coup perdant bien qu'il n'est pas doté d'un quelconque point d'interrogation dans le Mammoth Book. La recommandation de l'ordinateur 22...De7, n'est pas considéré parmi les trois alternatives analysées par Burgess. Les échecs sont parfois difficiles.

Conclusion

Remporter le match est clairement un bon moyen de jouer des partie mémorables : dans les 10 chefs-d'œuvre analysés ici, le vainqueur était à chaque fois le futur couronné.

Vous avez sans doute remarqué qu'aucune partie de Magnus Carlsen ne figure dans cette liste. Il a certainement a son actif quelques sérieuses candidates, mais il a également disputé les matchs de Championnat du Monde les plus courts de l'histoire, ce qui lui a donné moins d'opportunités. En quatre matches, il a remporté seulement sept parties classiques. (Et n'a perdu que deux fois !)

Heureusement pour Carlsen et Ian Nepomniachtchi, ils auront deux chances supplémentaires de produire une partie remarquable.

Quelles sont les plus belles parties qui n'ont pas été retenues ? Faites-nous en part ! Et n'oubliez pas de suivre le Championnat du Monde d'échec sur Chess.com !

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Nathaniel Green

Nathaniel Green is a staff writer for Chess.com who writes articles, player biographies, Titled Tuesday reports, video scripts, and more. He has been playing chess for about 30 years and resides near Washington, DC, USA.

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