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Kévin Bordi : de ses débuts à son statut de n°1 du streaming d'échecs en français

Kévin Bordi : de ses débuts à son statut de n°1 du streaming d'échecs en français

Mick
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Kevin Bordi, alias BlitzStream, est devenu une véritable star du streaming des échecs en français. Précurseur du roi des jeux sur Twitch, il jouit de plus de dix ans d'expérience dans la création de contenus échiquéens et a fait grandir sa communauté jusqu'à battre tous les records. Avec 173 000 adeptes sur Twitch et 190 000 abonnés sur YouTube, il contribue largement au développement de notre passion commune en France et n'est pas avare d'idées nouvelles pour promouvoir toujours plus les échecs !

Nous nous sommes entretenus avec Kevin qui nous a entre autres raconté ses débuts, est revenu sur sa célèbre nulle contre Magnus Carlsen et a tracé le parallèle entre échecs et poker.


Depuis combien de temps streames-tu des échecs et qu'est-ce qui t'a décidé à te lancer ?

Je pense que cela doit déjà faire dix ans que je streame sur Twitch. J'ai commencé au tout début, mais il y a si longtemps que je ne me souviens plus de l'année exacte, que ce soit 2012, 2013 ou 14... C'est très loin et il est difficile de trouver les archives de mes premiers lives mais j'ai commencé à streamer au démarrage de Twitch.

Je me suis lancé parce que je suivais un gars sur YouTube, Jerry de ChessNetwork. J'appréciais son contenu et il m'a beaucoup inspiré. J'aimais vraiment le regarder, j'avais un peu de temps le soir et je voulais jouer aux échecs. Alors je me suis dit "pourquoi ne pas essayer de faire comme lui ?". J'ai alors découvert que Twitch existait et qu'il était donc possible de le faire en direct.

C'est vraiment ce qui m'a décidé à commencer, car l'idée de m'enregistrer en train de jouer aux échecs pour le poster ensuite sur YouTube n'était pas ce que je voulais faire... même si j'aimais bien le contenu de Jerry. Lorsque j'ai entendu dire qu'il était possible de le faire en direct sur Twitch, j'ai décidé que c'était ce qu'il me fallait. C'est ainsi que j'ai commencé à streamer.

Combien de temps cela a-t-il mis pour prendre auprès du public ?

Curieusement, ma chaîne est devenue très populaire très rapidement. Je pense qu'au bout de 4 à 5 mois, j'avais 30 ou 40 spectateurs de moyenne, ce qui était beaucoup pour Twitch à l'époque ! 

Ensuite, j'ai été très chanceux et je tiens encore à remercier ChessNetwork car un jour j'ai vu qu'il avait fait un post sur Twitter disant quelque chose comme "Regardez le stream de ce gars, c'est une super chaine." C'était peut-être six mois après mes débuts. À partir de ce moment-là, je n'ai jamais eu moins de 100 spectateurs sur Twitch ! C'était vraiment beaucoup à l'époque ; l'un des plus gros streams qui existaient. J'ai commencé avec une chaîne en anglais et c'était vraiment incroyable pour moi que le joueur, qui m'a inspiré, encourage les gens à jeter un œil à ma chaîne.

An image of NM Kevin Bordi and his dog, a shiba inu called Misha.

Kevin et sa célèbre Misha.

D'où vient le terme "requins" que tu utilises pour qualifier les membres de ta commu ?

Cela vient des sub battles contre les communautés des autres streameurs. Les cinq premières fois que nous avons joué, nous avons perdu ! J'étais désespéré. Avec toutes ces défaites, j'ai commencé à jouer un personnage, comme un coach sportif. Sauf qu'il s'agissait d'un entraîneur complètement fou parce qu'il perdait tous ses matchs, vous voyez le genre.

J'ai donc commencé à chercher sur Internet des discours d'entraîneurs de rugby amateur, d'équipes de troisième ou quatrième division, puis je faisais des speechs similaires à mes spectateurs lors des avant-matchs. Il ne s'agit pas de discours inspirants comme ceux que l'on peut entendre à TEDx ou ailleurs. C'est un peu plus... agressif. 

Un jour, je suis tombé sur le discours d'un coach très connu, un des meilleurs basketteurs français ; il a fait des Jeux olympiques de folie où on a décroché une médaille d'argent en jouant un rôle clé. C'est donc un grand monsieur du basket français, et il a déclaré : "D'un dauphin, on ne peut pas faire un requin". Il expliquait en gros pourquoi son équipe perdait et disait qu'il ne pouvait rien faire parce qu'il n'y avait que des dauphins sur le terrain et qu'il ne pouvait pas les transformer en requins. À partir de là, nous avons lancé une sorte de running gag : à chaque fois que les gars commençaient à perdre, nous disions : "Vous ne pouvez pas transformer un dauphin en requin." C'est ainsi que tout a commencé et finalement c'est resté.

Qu'est-ce que le ZEvent, peux-tu en dire plus au public international ?

Le ZEvent est un événement crée par ZeratoR, qui est l'un des plus gros streameurs français. C'est l'un des plus grands, voire le plus grand événement caritatif au monde pour Twitch. Il invite les meilleurs streameurs français à se retrouver dans un lieu organisé spécifiquement pour le stream, et vous avez les 40 ou 50 meilleurs streamers français réunis afin de récolter de l'argent pour une œuvre de charité. Cette année, c'était pour la protection de l'environnement.

Ma communauté a récolté 118 000 euros pour une œuvre caritative, ce qui est énorme pour la France ! Au total, la cinquantaine de streameurs participant à l'événement a récolté quelque chose comme 10 ou 11 millions d'euros. C'est l'un de mes événements préférés. L'énergie qui s'en dégage est très positive et c'est agréable de collecter de l'argent pour des œuvres caritatives afin d'aider d'autres personnes, donc c'était vraiment très cool.

Qu'en est-il de la B Cup ?

La B Cup est un autre événement spécial. La première édition a eu lieu en décembre de l'année dernière. L'événement se déroule sur Internet, mais pour participer au tournoi, il faut jouer depuis un endroit précis, pour cette occasion, c'était depuis le plus grand site d'e-sports en France, à côté du Louvre. Nous avons donc réuni environ 120 personnes pour participer au tournoi sur Chess.com. C'est le premier événement de ce genre, où les gens se réunissent au même endroit pour jouer aux échecs en ligne.

Notre objectif est d'en organiser d'autres à l'avenir, à l'image de la deuxième édition de la B-Cup le 17 juin mais notre rêve serait d'en faire un jour un événement international. Nous aimerions créer des événements internationaux en ligne avec des gens de Paris, New York, Los Angeles, Berlin, partout, se réunissant tous dans un lieu d'E-sport et organiser un tournoi à l'échelle mondial. Il ne s'agit pas seulement de jouer de chez soi, mais de jouer à partir de lieux réels, afin que la communauté des joueurs d'échecs puisse se rencontrer et passer du temps dans un même lieu. Ce n'est pas comme un tournoi d'échecs habituel où l'on ne peut pas parler ! C'était très amusant de voir les gens réunis au même endroit, parfois en train de crier qu'ils ont donné leur dame ou d'autres choses du même genre.

Partout dans le monde, nous constatons que les jeunes se mettent aux échecs et que les échecs deviennent un loisir de plus en plus répandu. Comment as-tu vu les échecs se développer en France ces dernières années ?

Je sais que les échecs prennent de l'ampleur dans le monde entier. Je le vois dans les statistiques, je le vois dans les événements et dans beaucoup d'autres mesures. En France aussi, mais je ne peux pas dire grand-chose à ce sujet ! Je ne fais que le constater à partir de ces indicateurs. Je vois qu'il y a plus de gens qui jouent aux échecs, mais je n'ai pas d'exemple concret de quelque chose qui m'a donné l'impression qu'il y a tant de gens qui jouent aux échecs de nos jours. Je dirais qu'il y a eu un très gros engouement en France lors du tournoi des Candidats, avec l'excellente performance de MVL. Il est certain que le phénomène prend de l'ampleur, mais peut-être moins que le gros boom que nous observons dans d'autres pays en ce moment.

Tu as ton propre robot sur Chess.com. Que penses-tu de son style de jeu par rapport au tien ?

Mon bot joue vraiment différemment de moi ! Il rend plutôt hommage à ma Grob contre Magnus, un coup qui m'a en quelque sorte rendu célèbre. Il joue donc beaucoup d'ouvertures bancales, ce que je fais rarement.

Je suis très mauvais dans les ouvertures, du moins pour mon niveau et je me retrouve donc toujours dans des positions difficiles. J'essaie donc généralement d'obtenir des positions tranquilles et techniques pour si je le peux arriver en finale et simplifier... mais mon bot fait des folies ! 

Je dirais qu'il est un hommage à ma Grob contre Carlsen, qui est probablement mon meilleur souvenir échiquéen, donc j'aime que le bot soit configuré par rapport à cela, mais je ne dirais pas qu'il joue comme moi. Je n'ai pas fait de match contre lui, donc je ne sais pas s'il est plus fort que moi... Ce que je peux dire, et c'est un message pour Danny, c'est que je pourrais battre son bot. Alors si Danny veut essayer le mien, on verra bien !

An image linking to Kevin Bordi's bot on Chess.com.

Tu es un joueur d'échecs titré et tu as manifestement beaucoup d'expérience devant l'échiquier - mais est-il vrai que tu as appris à jouer aux échecs sur une Game Boy ?

Oui, c'est tout à fait vrai. Mon père avait un jeu sur Game Boy, je crois qu'il s'appelait Chessmaster, et moi j'en avais quelques autres comme Mario et d'autres choses du même genre... mais c'est mon père qui avait le jeu d'échecs. Je voulais vraiment l'essayer, je ne sais pas pourquoi mais je le voulais, alors j'ai mis le jeu dans la Game Boy plusieurs fois et j'ai essayé d'apprendre en jouant. Je déplaçais les pièces et j'apprenais étape par étape comment elles bougeaient pour pouvoir faire une partie.

Mon père disait que c'était trop compliqué parce que j'avais six ans et qu'il serait plus amusant de jouer à Mario, mais je ne m'arrêtais pas et je voulais vraiment savoir comment jouer aux échecs ! Un soir, mon père a décidé de m'apprendre les règles pour que je puisse jouer sur la Game Boy. Ensuite, j'ai joué aux échecs à l'école et j'ai fini par rejoindre le club d'échecs. C'est ainsi que j'ai commencé à m'intéresser sérieusement aux échecs, mais au début, j'étais juste fasciné par ce jeu sur Game Boy.

Tu es également un fan de tennis. Si tu pouvais choisir un joueur de tennis pour te rejoindre sur le stream, qui serait-il, et pourquoi ?

Je choisirais Gael Monfils. Je le connais un peu et il a aussi une chaîne Twitch très sympa. Il n'a pas beaucoup de streams en anglais malheureusement, mais ses streams sont incroyables et il est vraiment cool. Il a une très bonne énergie et explique très bien le jeu. C'est sûr que je le choisirais.

Ensuite, j'hésite entre Novak Djokovic et Roger Federer... Federer est un si grand joueur d'attaque. J'ai eu un débat il n'y a pas longtemps avec un ami - objectivement, Djokovic a réalisé plus de choses que Federer, mais les gens mettent Federer en avant à cause de son style de jeu, qui est tellement fluide et propre. Néanmoins, je pense vraiment que Djokovic est peut-être une classe au-dessus... ses coups sur le court, sa vision et sa défense sont incroyablement bons. Mais je choisirais quand même Federer parce qu'on ne peut pas choisir quelqu'un d'autre, c'est une légende.

Pendant un certain temps, tu as été joueur de poker professionnel. De nombreux joueurs d'échecs professionnels sont également de grands amateurs de poker. Selon toi, quels sont les points communs entre le poker et les échecs ? Quelles sont les similitudes qui poussent tant de gens à s'intéresser à ces deux jeux ?

Honnêtement, je ne peux pas dire que j'aime le poker, mais j'aime gagner de l'argent. L'une des raisons pour lesquelles les joueurs d'échecs aiment le poker est qu'il s'agit d'un jeu, comme les échecs, et quand vous jouez aux échecs, vous avez l'impression d'avoir un avantage dans les jeux plus "simples". C'est du moins ce que l'on pensait à l'époque. Aujourd'hui, le poker est devenu plus difficile, car les joueurs deviennent de plus en plus forts, comme aux échecs.

Mais dans le passé, c'était considéré comme un jeu un peu plus facile et on avait l'impression d'avoir un avantage parce qu'on était déjà bon dans un jeu qui impliquait de profonds calculs. C'était donc un bon moyen de gagner de l'argent ! Je pense que de nombreux joueurs d'échecs aiment le poker pour cette raison : ils peuvent jouer à un jeu où ils ont l'impression d'être meilleurs que les autres... ce qui est souvent une illusion d'ailleurs puisque beaucoup de joueurs d'échecs perdent de l'argent au poker !

De plus, le poker est le genre de jeu où tout le monde pense gagner pour une raison ou une autre ; je pense que tous ces éléments réunis expliquent pourquoi les joueurs d'échecs aiment souvent jouer au poker.

On voit souvent un chien majestueux sur tes réseaux sociaux. Peux-tu nous en dire plus à son sujet ?

Ma chienne s'appelle Misha, c'est une petite fille ! Une petite Shiba. Chaque fois que je termine un stream, nous allons nous promener ensemble ; elle est comme ma partenaire la plus proche après ma femme et mon enfant. Elle fait partie de ma famille. Je suis toujours très heureux lorsqu'elle vient me voir pendant le stream. Parfois, si je suis un peu en retard, elle vient me demander des caresses ou un massage de crâne lorsque je suis en direct en stream.

As-tu des conseils à donner aux personnes qui envisagent de se lancer dans le streaming ou de créer du contenu sur les échecs ?

C'est très simple : il suffit de prendre du plaisir, d'apprécier ce que l'on fait et le contenu que l'on produit. Faites-le pour vous amuser, pour votre propre plaisir. Soyez authentique, soyez vous-même et appréciez le contenu que vous produisez.

Internet regorge de personnes inspirantes qui disent de suivre leur rêve et leur passion et que tout se passera bien... eh bien, les échecs sont ma passion et le streaming est ma passion, mais à un moment donné, il faut aussi avoir un peu de chance. Plus tôt, j'ai mentionné que j'avais été inspiré par ChessNetwork ; c'est grâce à lui que j'ai commencé, et il m'a beaucoup aidé avec le tweet qu'il a fait. Les gens qui réussissent ont parfois un peu de chance, vous savez.

J'ai toujours pensé qu'il était un peu injuste de dire que si l'on suit ses rêves et que l'on travaille beaucoup, tout se passe bien ; parfois, ce n'est pas le cas. Derrière le succès, il y a toujours une part de destin, de chance, ou peu importe comment on l'appelle, alors prenez simplement du plaisir dans ce que vous faites. En fin de compte, le plus important est d'être heureux. Si ça marche, tant mieux, si ça ne marche pas mais que vous vous êtes beaucoup amusé et que vous avez pris plaisir à créer le contenu, alors c'est déjà un succès en soi.


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